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C’est ici comme ailleurs
Hervé Laurent Nathalie Wetzel
2015 September 15
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Nathalie Wetzel et Hervé Laurent, C’est ici comme ailleurs, collection «Diligo», éditions Ripopée, septembre 2015. Tirage de 100 exemplaires numérotés, la couverture de chaque exemplaire est un monotype unique réalisé par Nathalie Wetzel SOLD OUT

 

Publié en 2013 également chez Ripopée (et réédité en février 2015), Prendre l’angle, expérimentait un dispositif qui visait à éviter la redondance de l’illustration et de la légende. C’est ici comme ailleurs interroge à nouveau le rapport de l’image et du texte et, travaillant à leur convergence, essaie de maintenir une relative indépendance de l’un à l’égard de l’autre. Le prétexte est fourni par le film de Marguerite Duras, Césarée, auquel il est rendu hommage. Tôt, un matin d’été, Duras promène sa caméra autour des sculptures de femmes renversées dont Maillol disposa les allégories dans le Jardin des Tuileries. Il en résulte une lente méditation filmée pour laquelle l’auteure dit en voix off sa version de la passion malheureuse de Bérénice sacrifiée à la raison d’état par Titus. Le nom Césarée, Cesarea, répété comme un leitmotiv, finit de vider le film de toute dimension documentaire tout en lui conférant un statut de reconstitution ambiguë. La vérité cinématographique est tout entière reportée sur la fiction du texte récité, dont la tension dramatique suffit à envahir les images. Ainsi le jeu complexe des références (Racine, Maillol) et de leurs détournements produit un régime d’authenticité basé sur une suite d’erreurs d’identification et d’interprétation parfaitement assumées.

Les images du livre se souviennent des plans du film et reprennent à leur compte le même processus d’appropriation. La technique du monotype, qui a été choisie pour les réaliser, installe une relative noirceur, entre le jour et la nuit, là où le tournage enregistrait la lumière poudreuse d’un matin d’été déjà vibrant de chaleur. En écho à la voix off, un texte court à travers les images, en continu. À la fin de la 4e de couverture, il se boucle, prêt à se répéter. Différents décors y sont successivement évoqués, tandis que de l’incantatoire Césarée prononcé par Duras ne reste que le c’est prosaïque ouvrant chaque description d’espace. L’effet de liste fait que c’est ici et pourtant cet ici se désagrège inévitablement en ailleurs, tandis que les images se suivent comme les hésitations d’un travelling qui n’aurait pour objet que de se prolonger sans terme prévisible. Il n’y a plus d’histoire, ou pas encore, l’encre du monotype l’obscurcit ou la fige dans une actualisation indéfiniment différée. Reste ce mouvement même, un bougé, propre au livre qu’on feuillette, aux yeux qui courent sur la ligne du texte, par quoi s’indique la vie. Quelque chose, ici comme ailleurs, commence ou continue, dont on ne sait pas bien ce que c’est.
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